Ce que je voudrai principalement exprimer, c’est l’incroyable descente aux enfers de l’estime de soi, lorsque l’on est victime de harcèlement et de persécution en milieu scolaire. L’école devient votre Enfer sur Terre. Vous êtes obligé de vous y rendre pour vous conformer à ce que vos parents attendent de vous, parents à qui vous ne pouvez pas tout dire de peur de les voir attristés, déçus, ou de les voir intervenir et en payer ensuite le prix (revanches après coup, une fois seule). De peur aussi de vous sentir encore plus humiliée, de devoir avouer être détestée, rejetée de tous, à vos parents qui vous aiment tant et qui espéraient tellement vous voir, naturellement, respectée au moins humainement. Soit les parents vont être profondément atteints, soient ils vont mal nous comprendre, et proposer des solutions trop optimistes, dont on ne se sent pas la force d’envisager (mes parents ont été tour à tour dans ces actions-là). Ils nous demandent d’oser confronter nos ennemis, mais on ne peut pas se battre seule contre tous, et subir l’angoisse d’une promesse de vengeance amplifiée.

Alors on préfère essuyer insultes, bousculades, quolibets, regards mauvais et méprisants, et se recroqueviller en silence juste pour espérer que ce moment passe. Dans mon expérience, il y a eu donc cette profonde détestation de tous, le rejet de tous (exemple marquant : tous les élèves de ma classe ont découpé mon visage de la photo de classe distribuée en fin d’année). Et pire : pendant de longues années, j’ai été sincèrement convaincue d’être stupide, laide, et que personne ne tomberait jamais amoureux de moi, spécifiquement moi. Pour ne plus jamais ressentir les sentiments que je trouvais humiliants d’être craintive, blessée et vexée en permanence, j’ai tout fait pour me blinder émotionnellement, à tel point que pendant un très long moment, je ne ressentais plus aucun amour pour mes proches. N’est-ce pas ainsi que certains psychopathes naissent, s’ils ont en plus grandis dans un cadre familial abusif et malsain ? Dans mon cas, j’étais juste devenue une enveloppe qui se détestait elle-même mais qui était rattachée à la vie grâce à quelques aspects encore positifs.

Dans cette marrée d’élèves harceleurs, j’ai pu bien sûr remarquer et analyser ceux qui ne contribuaient à mon harcèlement que secondairement, qui me lorgnaient du coin de l’œil avec distance, car ils voulaient seulement faire partie du groupe majoritaire, et être eux-mêmes à l’abri, quitte à participer à mon calvaire. Je ne leur en veux pas tellement, à eux. Certains autres m’ont parfois tendu la main, mais j’étais alors méfiante et incrédule, donc je prenais tout mal et avais peur du vrai sens de ces approches. Bien sûr et heureusement, il y avait parfois des petites périodes d’accalmie et au moins une bonne âme à chaque année pour être plus au moins à mes côtés, une personne peut être mise en arrière-plan au même titre que moi, bien qu’infiniment moins détestée que moi.

 Par ailleurs, chaque éclat de rire d’une bande d’adolescents devient un véritable poison qui se répand dans les veines, car on est sûre que ce sont des moqueries, qu’on vient forcément de faire un geste bizarre qui a suscité ces rires, ou d’avoir encore dit quelque chose de stupide qu’il ne fallait pas. Aujourd’hui encore, environ 15 ans plus tard, je déteste les rires bruyants des adolescents, j’y suis allergique, même si je sais désormais que ces rires ne se moquent pas forcément de moi. D’ailleurs, je déteste toujours les adolescents en général, pas tous bien sûr.

Il va sans dire que tout ceci a influé sur mes notes, m’a rendu en échec scolaire, et que j’étais la dernière en tout, exactement comme j’étais la dernière choisie pour tout.

DERNIER POINT IMPORTANT : ma détestation des profs. Les profs qui voyaient tout. Qui entendaient tout. Qui ne faisaient strictement rien pour endiguer cela (à part certainement quelques remontrances aléatoires et sans conséquence). Qui y contribuaient même à leur façon détachée, parfois. Et qui étaient trop fatigués pour agir, qui ne se sentaient pas assez concernés, même quand sous les yeux de l’un, on m’a clairement et répétitivement menacé de me tuer avec un cutter dès la sortie (pourquoi ? Il a essayé de m’arracher quelque chose que je tenais, et en agrippant cette chose à deux mains, j’ai griffé accidentellement une des siennes). C’est dire la totale non-crainte des professeurs que certains élèves avaient. Et même là, le prof a fait la sourde oreille ; je suis allée le voir et lui ai dit que j’avais peur (première et dernière fois de ma vie que j’osais avouer quelque chose d’aussi humiliant) et que je préférais rester en classe encore un moment. Et il m’a dit « hein ? ah oui, ben je comprends, hein ». Puis, après 2 minutes, « écoute, attends-moi ici, je dois vite aller chercher quelque chose dans l’autre classe » et il sort devant mes harceleurs qui bourdonnaient bruyamment dans le couloir, impatients et déterminés, rendant évident le fait que j’étais désormais aculée. J’aurais pu m’échapper par la fenêtre ouverte, car on était au rez, mdr, mais j’avais trop de fierté pour « fuir », alors j’ai décidé de sortir dans le couloir affronter mon destin (looool, mais c’est la vérité). Là, heureusement, le crush de celui qui voulait prétendument me tuer s’est interposée et lui a dit « arrête déconne-pas, on ne tape pas une fille » etc. Voilà.

Je me souviens encore de leur nom à tous. Et je n’ai AUCUNE confiance en les professeurs, à cause de mon expérience personnelle. Un de mes rêves était de devenir maîtresse des écoles à mon tour pour influer un tant soit peu sur tout cela. J’aurais voulu faire une tournée dans toutes les écoles de Suisse pour témoigner et sensibiliser. Ce sujet me tient énormément à cœur.

Vous vous posez peut-être la question de qu’ai-je bien pu faire pour susciter tout ce harcèlement : j’étais la seule (ou une des rares) voilée islamique du collège et lycée, donc trop différente, avec en plus une personnalité encore beaucoup imprégnée de l’idiotie de l’enfance, un humour décalé et incompris, une faible et craintive personnalité face à toute confrontation, « moche » selon tous, ou du moins je ne m’apprêtais pas comme toutes les autres (coiffure à la mode, un minimum maquillée, et c’était la mode du décolleté). J’étais donc la victime toute indiquée.

Heureusement, aujourd’hui tout va bien, j’ai réussi 2 ou 3 ans après que le harcèlement se soit terminé à reprendre confiance en moi et construire une nouvelle personnalité. Mais, dès la première complication, je ferai probablement tout pour faire école à domicile à mes enfants – j’estime qu’il n’y a pas assez de prévention et de mesures pour contrôler le harcèlement scolaire.

Pour moi, il n’y a rien qui justifie qu’un/e enfant doivent se sentir haï/e, exclu/e de tout son Monde actuel et de tout ce qu’il ou elle se représente de la société dans son petit esprit.

Témoignage anonyme

Chers vous,

Chers vous, qui vivez aujourd’hui en adultes, si proches, la même ville.

Chers vous sur les photos de classe, qui changiez au fil des années.

Chers vous, qui ralliez lorsque la semaine était trop remplie de devoirs.

Chers vous, que j’avais occulté de ma mémoire.

Vous, qui m’avez fait partir chaque jour la boule au ventre à l’école.

Vous et vos rires dans le fond de la salle, rendus presque silencieux par la craie sur le tableau noir.

Vous et vos regards qui renfermaient un univers de blagues, que vous pensiez innocentes.

Vous et vos invitations, réservées à certains groupes, par manque de place.

Vous et votre silhouette pré pubère, qui hantait l’espace de la cour.

Vous et vos messages privés, des épines empoisonnées.

Vous qui formiez une entité, une masse sombre inattaquable.

A vous, qui resterez à jamais des enfants dans ma mémoire.

Qui ressurgissez dans mes cauchemars.

A vous, à qui j’ai tant voulu plaire, espoir de calmer vos colères.

A vous, que je remercie du fond du cœur pour avoir forgé qui je suis.

A vous, que je hais de toute mon âme, pour ce temps d’innocence gâché par vos mains boueuses.

Témoignage anonyme

Durant, ma scolarité j’ai énormément été harcelé, principalement dû à ma grande sensibilité.

L’un des sévices que mes “camarades” m’ont fait vivre durant ma scolarité est d’avoir été attrapé, immobilisé et jeté dans une fourmilière sous les rires et les quolibets, j’avais alors 10 ans.

J’ai récemment sorti une chanson qui reprend ce mauvais souvenir. Avec cette composition, j’ai le but de toucher les gens à cette cruauté que l’on peut rencontrer dans les cours de récréation et aussi en quelque sorte d’exorciser cette blessure intérieure.

C’est donc avec plaisir que je vous partage mon travail sur le lien suivant :

https://songwhip.com/alexandregrin/les-fourmis

Alexandre Grin, 25 ans.