Les enfants et adolescents victimes de harcèlement à l’école ou de violences plus large au sein des établissements scolaires parlent de plus en plus et sont la plupart du temps soutenus par leurs parents.

Comme mentionné dans mon article précédent, le harcèlement entre pairs ne touche pas seulement l’enfant ou l’adolescent qui en est victime mais aussi sa famille, ses amis, ses proches.

Les familles qui m’appellent sont en souffrance, parfois très grande. Elles se sentent démunies, impuissantes. Elles ont peur pour leur enfant. Elles hésitent entre l’obliger à aller à l’école ou le garder à la maison. L’obliger à y aller les culpabilise et les angoisse. D’où l’augmentation d’enfants qui font l’école à la maison. Leur nombre a triplé entre 2012 et 2022 dans les cantons de Vaud et Neuchâtel – pour diverses raisons.

Mais tout le monde ne peut pas faire l’enseignement à la maison. C’est très coûteux sur plusieurs plans.

Les mêmes plaintes reviennent et me questionnent. Les parents ne se sentent pas entendus. Leurs récits sont pour beaucoup d’entre eux banalisés, relativisés, dénigrés, négligés, ignorés voire se retrouvent face à une fin de non-recevoir. Museler les parents ou ne pas les entendre n’est pas acceptable.

Je pense que le harcèlement à l’école doit être traité avec toutes les personnes impliquées dans le système, que ce soit le système scolaire ou le système familial.

Le harcèlement scolaire est un phénomène de groupe. Il est donc systémique. Il se met en place quand il y a un harceleur, un enfant victime qui en est la cible et des témoins – qu’ils soient actifs ou passifs.

Il faut donc tenir compte de tous ces membres pour réussir – autant que faire se peut – à le traiter. Ce qui veut dire que tous les protagonistes et leurs familles doivent être informés de ce qui se passe car tout le monde est impliqué, inexorablement.

Quand une situation de harcèlement se présente, la première étape est de réagir en conscience et vite.

Pour que des parents d’enfants harcelés et harceleurs soient capables de réceptionner cette information, c’est-à-dire que leurs enfants sont concernés par du harcèlement, il faut qu’en amont ils aient été soigneusement renseignés sur ce qu’est le harcèlement entre pairs, comment le prévenir, comment réagir, vers qui se tourner avec confiance, et sur la prise en charge de tous les enfants impliqués : entretiens d’une part, et sanctions éducatives réparatrices voire sanctions punitives d’autre part.

Il est difficile pour un parent d’apprendre que son enfant en a harcelé un autre. Et pourtant, ça peut arriver à tous les enfants, pour diverses raisons. Accepter que ce soit possible permet de prendre du recul sur la situation et ne pas chercher à défendre son enfant coûte que coûte. Un enfant qui en brime un autre est souvent en souffrance lui aussi. Il a peut-être besoin d’aide. C’est l’arbre qui cache la forêt et ce peut être un signal qu’il faut pouvoir entendre. Aborder ces situations avec humilité peut aboutir à une issue favorable.

Il ne s’agit pas de juger son enfant mais de tenter de comprendre, et ce, avec l’enseignant, le/la psychologue scolaire, la direction.

Ce qui signifie que tous les parents seront informés. Et qu’ainsi un travail collaboratif peut être amorcé. Impliquer les parents et les écouter. Il faudra peut-être faire de la médiation pour soutenir les récits des uns et des autres, Prendre en compte les réactions défensives de chacun.e, Nommer et reconnaître la souffrance de l’enfant harcelé, des témoins, et des harceleurs dans le but de casser le phénomène de groupe, faire cesser le harcèlement mis en place.

Si les adultes interviennent rapidement, dès la première attaque, la dynamique a de forte chance d’être désamorcée. Si le harceleur n’est pas stoppé dans ses agissements, il aura un sentiment de toute puissance et d’impunité. Et je l’ai déjà dit : il demande à être arrêté dans ses agissements car il n’a pas toujours conscience des actes qu’il pose. Cf article partie 1.

Nos enfants ont besoin de pouvoir compter sur des adultes fiables et sécurisants. Ils ont besoin d’un environnement scolaire où les règles du vivre-ensemble sont claires et cohérentes.

Bien vivre ensemble nécessite d’adopter des comportements de respect, de tolérance, d’acceptation de la différence, de solidarité et d’altruisme. Entre autres. Et de se responsabiliser de ses comportements.

Des parents et des familles qui ne sont pas entendus déploient une énergie considérable pour faire face à ce fléau et à la souffrance de leurs enfants, cherchent des solutions, du soutien, portent plainte, demandent un changement d’école, feront l’école à la maison. Ou se retrouvent abattus, dépressifs.

Il faut des moyens humains, matériels et financiers pour prévenir et traiter le harcèlement à l’école. Il faut aussi du courage et s’impliquer.

Les enfants ont le droit d’être heureux et épanouis à l’école.

Leurs familles ont le droit de savoir leurs enfants en sécurité dans le lieu de vie où ils passent la moitié de leur temps.

Le 15 novembre 2024, nous donnerons la parole à des parents qui ont dû se battre pour faire reconnaître la souffrance de leurs enfants. Soirée organisée sur le thème du harcèlement à l’école et de la prise en charge des familles. La présence d’un avocat viendra éclairer les questions juridiques.

Des informations suivront.

Anne Jeger, psychologue clinicienne à Lausanne, entend régulièrement dans son cabinet la souffrance de ces enfants et de ces jeunes, l’impuissance de parents et de professionnels concernés par ce fléau. Elle est la vice-présidente de l’association VIA qui lutte contre le harcèlement scolaire et soutient les victimes et leurs familles.