Avertissement : Avant de partager les événements qui nous ont profondément affectés, nous souhaitons, par souci de transparence, préciser que nous avons entretenu par le passé une relation amicale avec les parents de l’enfant concerné. Il convient également de noter que ce garçon est vraisemblablement atteint d’autisme, bien qu’aucune confirmation professionnelle officielle n’ait été fournie à ce jour. Enfin, pour respecter les dispositions légales en vigueur, les noms des personnes et de l’établissement ne seront pas mentionnés.


Au sein de l’association VIA nous donnons la parole à des parents, des jeunes, des enfants, des professionnels qui sont touchés par le harcèlement scolaire. Les témoignages n’engagent que leurs auteurs et reflètent leurs expériences personnelles.

Au début de l’année scolaire 2023-2024, notre fille entame le cycle des 7-8P avec une nouvelle maîtresse et se retrouve dans la même classe que le garçon susmentionné.
Le début de l’année se passe bien, mais peu avant les vacances d’octobre 2023, la maman du garçon nous rapporte qu’il serait harcelé par d’autres élèves. Surpris, nous interrogeons notre fille, qui nous explique que c’est le comportement insultant et violent du garçon qui provoquerait ces réactions. Elle précise s’éloigner également de lui à cause de ses propos fréquents à connotation sexuelle.


Sachant que le garçon avait déjà été impliqué dans un cas de harcèlement l’année précédente, nous rapportons les propos de notre fille à sa mère. C’est à ce moment- là que les choses tournent mal : elle se braque, réfute nos dires, affirme que son fils est malade, accuse les autres garçons de s’être ligués contre lui et annonce qu’elle va contacter la médiatrice. À la suite de cet événement, plusieurs élèves sont convoqués et sensibilisés à la tolérance.


Entre les vacances d’octobre et celles de Noël, le garçon devient de plus en plus virulent envers notre fille. Néanmoins, nous essayons de relativiser et maintenons la soirée du réveillon prévue de longue date entre nos deux familles. Un nouvel événement vient alors jeter le trouble : notre fille, suivie du garçon la suppliant de se taire, vient nous dire qu’il n’arrête pas de lui parler de son pénis. La maman prend alors les deux enfants à part et en revient sans autre explication. Lorsque nous exprimons nos inquiétudes sur ce comportement récurrent, elle balaie nos remarques, affirmant que c’est normal pour un garçon et ajoute qu’elle a expliqué aux enfants qu’on ne dénonce pas un ami pour de « petites bêtises », car les amis doivent se soutenir.


Après cette soirée, nous mettons fin à notre relation avec eux après une dernière discussion, où la mère, en colère, accuse notre fille de harcèlement tout en

minimisant les comportements inappropriés de son fils et en justifiant ses actes par son autisme.


En janvier, la situation à l’école se détériore : insultes, moqueries et propos déplacés se multiplient. Alertée, la maîtresse confirme avoir observé ces comportements et prévoit d’en parler aux parents du garçon, qui se diront surpris, affirmant que leur fils n’agit jamais ainsi à la maison. Nous apprenons également qu’il monte en puissance bousculant ses camarades et rackettant leurs récréations. Ce n’est que plus tard que nous apprenons que notre fille est elle-même la cible de ces attaques physiques.


Après une énième prise de contact avec la maîtresse, désemparée face à la situation qu’elle juge complexe, nous encourageons notre fille à s’adresser à la médiatrice scolaire, que nous contactons également par e-mail.
La réaction de la médiatrice nous laisse perplexes. Alertée par notre fille et une camarade, elle interroge le garçon, lequel réfute les accusations. Elle explique alors aux filles qu’en tant qu’autiste, il ne peut pas mentir, que son comportement est sûrement un jeu, et qu’elles devraient l’ignorer ou se rapprocher d’un surveillant. Mécontents, le soir même, nous lui écrivons pour lui demander un entretien téléphonique, mais notre e-mail reste sans réponse.


La médiatrice attrape cependant notre fille et sa camarade dans la cour, pour leur expliquer que le comportement du garçon est comparable à des excès de vitesse : énervants, mais inévitables. Indignés par ces propos, nous lui écrivons à nouveau pour l’informer que, faute de réponse et au vu de ses déclarations, nous allons contacter la direction, décision soutenue par la maîtresse également mise au courant. La médiatrice finit par répondre par e-mail, invoque une surcharge de travail et affirme qu’elle n’est pas « magicienne. » Elle propose de rester à disposition de notre fille (dont elle se trompe de prénom…) si elle a besoin de parler.


De nouveaux incidents dans les escaliers nous poussent à alerter la direction par écrit, détaillant la situation. Le doyen minimise les faits, évoquant « un ou deux problèmes » et assure que des mesures seront prises pour éviter les bousculades. La solution proposée consiste à demander au garçon de ne plus monter ou descendre les escaliers en même temps que ses camarades.


Une semaine plus tard, surexcité, il oublie les consignes, poursuit une camarade et bouscule notre fille dans les escaliers. Déséquilibrée, elle se rattrape à la rambarde, mais il la percute à nouveau en sens inverse, ce qui la fait chuter et se tordre la cheville. À la sortie, notre fille est conduite aux urgences, où une grosse entorse est diagnostiquée. Le lendemain, face aux douleurs persistantes et des craquements inquiétants, un médecin remplace l’attelle par une botte gonflable pour assurer un meilleur maintien et éviter un plâtre.


Au même moment, nous constatons un changement de comportement chez notre enfant : elle se renferme, devient insolente et arrogante. Quelques jours plus tard,
 lors d’une dispute, elle éclate en sanglots et nous confie subir un harcèlement constant de la part du garçon : coups à l’arrière de la tête, racket, pincements des fesses, propos à caractères sexuels violents, etc. Elle révèle qu’un jour, il lui a saisi les fesses et a menacé de tuer sa famille si elle en parlait. Elle nous confie également qu’à la gym, les filles ont mis en place un tournus pour surveiller leur vestiaire, car il tente régulièrement d’y entrer pendant qu’elles se lavent.


Face à la détresse de notre fille et à la gestion passive de l’école, nous décidons de porter plainte contre ce garçon. Une fois la plainte déposée, celle-ci est transmise à l’école et auprès de la DGEO. Parallèlement, nous contactons la fondation LAVI, spécialisée dans l’aide aux victimes.


Après le dépôt de plainte, un agent de liaison entre la gendarmerie et l’école nous contacte pour signaler qu’il a recommandé à l’établissement de séparer les deux enfants en les plaçant dans des classes différentes, une mesure que nous jugeons essentielle pour protéger notre fille. Malheureusement, l’école ne prendra pas en compte cette recommandation. Seul un accompagnement par la maîtresse aux entrées en classe sera mis en place (rien pour les périodes de transition ni les perturbations en classe).


L’établissement tente de forcer une rencontre entre nous, mais face à une réunion que nous percevons comme une justification de leur inaction, nous demandons son annulation. La DGEO nous informe ensuite qu’une « séance de conciliation » n’était en réalité qu’une présentation des décisions déjà prises par l’école. Finalement, nous recevons un courrier de la direction affirmant qu’elle ne peut intervenir davantage en raison de la voie juridique engagée. Elle ajoute que son personnel a agi de manière irréprochable et va même jusqu’à mentir sur les actions prétendument menées, malgré les preuves contraires que nous possédons.
Peu de temps après, le garçon, surexcité et sans surveillance, manque de renverser à nouveau notre fille dans les escaliers. Lorsque l’événement est signalé à l’enseignante, il est minimisé, et la faute est partiellement imputée à une supposée sensibilité excessive de notre enfant, malgré l’aveu du garçon.


Notre fille ne retournera pas à l’école… Présentant des signes alarmants, comme s’arracher la peau des lèvres et des doigts, la pédiatre diagnostique un burnout et l’oriente vers la Fondation de Nant (secteur psychiatrique de l’Est Vaudois) pour un suivi en urgence. Trois jours plus tard, un premier rendez-vous confirme son stress intense, et elle est mise en arrêt scolaire. Alors que les vacances de Pâques approchent, son état continue de se détériorer, laissant apparaître des signes évidents de traumatisme.
C’est à ce moment que notre fille aînée nous confie, inquiète, que sa petite sœur écrit chaque soir dans son lit en pleurant. Alarmés, nous lui demandons de nous remettre son journal : c’est la douche froide. Notre fille de 11 ans y exprime son immense détresse : la situation lui pèse, elle culpabilise de nous causer du stress, et
 pense que tout serait plus simple si elle disparaissait, allant jusqu’à décrire sa démarche pour s’ôter la vie…


C’est le cœur lourd que nous en parlons à son psychothérapeute, qui confirme nos craintes : une hospitalisation d’urgence en psychiatrie à l’hôpital de Nant est nécessaire. Notre fille y passe les deux semaines des vacances de Pâques, isolée, avec des visites restreintes et une mise sous médication.


À sa sortie, elle ne retourne pas à l’école, car l’établissement refuse d’appliquer d’autres mesures. Or, son état psychologique rend toute confrontation avec son agresseur inenvisageable.


Par l’intermédiaire de la fondation LAVI, nous sommes mis en contact avec une avocate pour gérer la plainte contre le garçon. Nous lui demandons également d’intervenir auprès de l’établissement afin de faire avancer les choses. Un courrier rédigé par ses soins est adressé au département, détaillant la situation et demandant une prise de position. La DGEO nous propose une séance de conciliation avec une personne des bons offices.


Étant donné qu’il s’agit de la même personne que lors du premier contact, où il avait été précisé qu’il ne s’agissait pas d’une réelle conciliation, nous refusons et demandons la nomination d’un autre interlocuteur. En juin, nous sommes reçus à Lausanne par le directeur de l’enseignement spécialisé pédagogique, en présence de la directrice de l’établissement, pour une séance de conciliation.
Une semaine avant la séance, l’école nous menace de dénonciation pour absence injustifiée et non-présentation de certificat médical, malgré le certificat d’hospitalisation envoyé par notre avocate. Au même moment, notre aînée doit subir une intervention chirurgicale délicate au CHUV. Nous recevons le courrier de l’école le jour de l’opération, avec un délai impossible à respecter vu la situation. Nous sommes dénoncés dès le mardi suivant. Nous écrivons alors à la préfecture pour lui expliquer les faits, avec les justificatifs nécessaires. Le cas est classé sans suite.


Lors du rendez-vous avec la DGEO et l’établissement, en présence de notre avocate, on nous informe qu’une solution a été trouvée pour séparer les enfants, mais sans garantir que ce ne soit pas notre fille qui doive quitter la classe, ce à quoi nous nous opposons fermement. La séance se déroule dans un climat tendu. Il nous est interdit de demander des justifications, de critiquer les décisions ou actions du personnel et de parler de l’autre enfant. Le procès-verbal officiel, sous prétexte qu’il pourrait être incriminant pour l’État, est remplacé par une simple synthèse rédigée par notre interlocuteur.


Un accord provisoire est cependant trouvé : les enfants seront séparés, des mesures de surveillance supplémentaires seront mises en place, une personne de confiance sera désignée pour notre fille, et un protocole écrit pour signaler et traiter rapidement d’éventuels incidents sera élaboré et partagé avec la direction et nous-mêmes.

 Quelques jours plus tard, nous recevons une synthèse incomplète. Nos demandes de correction restant sans réponse, nous saisissons à nouveau le département, qui confirme finalement par écrit « l’engagement de l’État sur tous les points discutés en séance ».


À la fin des vacances d’été, nous avons la confirmation que notre fille reste dans sa classe. Une réunion est organisée avec la direction et les bons offices de la DGEO pour préparer son retour. L’établissement, prenant en compte nos demandes, a mis en place plusieurs mesures, dont l’interdiction pour la médiatrice « magicienne » de toute interaction avec notre fille.


Sur le plan pénal, bien que la procédure reste en cours, le statut de victime de notre fille a été reconnu. Des engagements ont été pris par le garçon et ses parents pour qu’aucun contact n’ait lieu à l’avenir.


Aujourd’hui, notre fille a réintégré l’école. Les mesures mises en place sont respectées, la communication avec l’enseignante reste bonne, et elle est protégée de tout contact avec le garçon.
Elle continue toutefois à être suivie et reste, tout comme nous, marquée par cet épisode.