Le harcèlement scolaire se définit comme une violence répétée qui peut être verbale, physique, psychologique ou issue des réseaux sociaux en milieu scolaire et toucherait environ un élève sur dix. Cette situation pénible et difficile aura des conséquences sur la vie scolaire et sociale de la cible de ce fléau, mais également sur sa vie future. Le harcèlement scolaire peut parfois mener au suicide, d’ailleurs première cause de mortalité chez les jeunes de plus de 16 ans[1].

Les pays scandinaves ont été les pionniers dans la lutte contre le harcèlement scolaire. Notamment, la Suède s’est dotée d’une loi en 1994. D’autres programmes ont été élaborés comme les cours d’empathie pour 3 à 16 ans au Danemark ou encore le plan national finlandais KiVa pour la lutte contre ce fléau, repris par de nombreux pays dans le monde.

En Suisse la situation est toute autre. Le fédéralisme implique une complexe répartition des compétences et des responsabilités en la matière.

La Confédération ne dispose pas d’une loi spécifique à la question ni de mention explicite du harcèlement scolaire dans sa base légale. Elle s’appuie sur l’ordonnance du 11 juin 2010 sur des mesures de protection des enfants et des jeunes et sur le renforcement des droits de l’enfant (RS 311.039.1). Cette ordonnance a donné lieu à l’établissement de deux programmes en lien avec la thématique de la protection de l’enfance. Le premier s’intitule « Jeunes et violence 2011-2015 » et le second « Jeunes et médias 2011-2015 ». Ce deuxième programme fait état du cyber harcèlement et sensibilise aux aspects numériques qui amènent souvent à « un prolongement » à domicile du harcèlement scolaire par l’intermédiaire des téléphones portables notamment. Toutefois, la focalisation de ce programme reste strictement numérique et le peu de données que la Suisse collecte sur la question du harcèlement scolaire fait état d’un taux élevé de situation critique. 

Dans ce contexte, il semble important de pouvoir quantifier et évaluer le phénomène d’autant plus que la Suisse ne dispose pas de statistique en la matière. En réponse à une interpellation que j’ai déposée au Parlement en septembre 2020, le Conseil fédéral dit se baser notamment sur les résultats de l’étude PISA. PISA est le programme international pour le suivi des acquis des élèves qui évalue et compare les résultats avec les autres pays membres de l’OCDE pour monitorer les systèmes éducatifs tous les 3 ans. Depuis 2015 ce programme comprend un chapitre sur le harcèlement scolaire. Cette évaluation a démontré que les élèves suisses sont parmi celles et ceux qui décrivent le plus des épisodes d’oppression. Plus inquiétants encore, ces résultats s’aggravent avec l’évaluation de 2018 qui démontre une augmentation des cas pour l’ensemble des situations de harcèlement abordé dans l’étude.  

Parmi les mesures de soutien de la Confédération : la Fondation Pro Juventute qui obtient des fonds pour la permanence téléphonique pour jeunes en besoin d’aide 147. La Confédération dispose de mannes financières pour financer des projets de promotions et préventions, sur la base d’ordonnances existantes, et celles-ci ne mentionnent pas nommément le harcèlement scolaire. Ainsi, des soutiens à des mesures de prévention sont possibles pour lutter contre la violence domestique grâce à lordonnance du 13 novembre 2019 contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (RS 311.039.7), mais aucune subvention n’est accordée directement à des projets de lutte contre le harcèlement scolaire.

Les cantons sont quant à eux les principaux responsables en la matière, car dotés par la Constitution fédérale de la charge de l’instruction publique (art. 62, al. 1). Les cantons sont également compétents pour la formation du corps enseignant pour les écoles obligatoires et post-obligatoires du secondaire I et II.

Ce sont donc les cantons qui doivent mettre en place des politiques publiques pour endiguer le harcèlement scolaire. La Conférence suisse des directeurs cantonaux de l’instruction publique (la CDIP) est quant à elle chargée de coordonner l’ensemble de ces mesures. Sur son site internet, la CDIP centralise les différentes références à disposition des citoyennes et des citoyens, sans faire état des projets soutenus et mesures mises en place. Les résultats de la prochaine étude PISA seront donc à surveiller de près pour exiger des moyens supplémentaires pour des actions concrètes. 

Face au manque de données quantitatives et qualitatives nécessaire au développement de mesures contre les violences répétées verbales, physiques ou psychologiques en milieux scolaires, j’ai déposé un postulat demandant au Conseil fédéral d’établir un rapport qui devra créer une base statistique propre aux harcèlements scolaires, dresser une liste exhaustive des mesures de soutien contre le harcèlement scolaire mises en œuvre par les cantons et la Confédération. Ce rapport permettrait également de dresser une évaluation des possibilités de développer des aides financières pour des mesures de prévention en analogie à ce qui est actuellement possible pour lutter contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Le Parlement doit encore se prononcer sur cette proposition tandis que le Conseil fédéral propose de refuser cet objet.

Le défi politique qui accompagne mon engagement politique pour une lutte efficace contre le harcèlement scolaire consiste à dépasser le jeu de passe-passe dont fait preuve la Confédération dans le but de laisser la seule responsabilité aux cantons dans la protection des enfants à l’école. Sans remettre en cause la compétence des cantons dans l’établissement des systèmes éducatifs, il y a une responsabilité incompressible de protéger l’ensemble des jeunes qui se rendent à l’école en Suisse. La protection de l’enfance ne doit pas faire l’objet de disparité cantonale, mais doit être garantie sur l’entier du territoire de manière coordonnée. Une fois cet enjeu politique dépassé, il sera possible de prendre des mesures pour participer à une meilleure protection de la vie des jeunes de ce pays.

 Bases légales complémentaires

page 72-73 PISA CH 2018


[1] https://www.bfs.admin.ch/bfs/fr/home/statistiques/sante/etat-sante/mortalite-causes-deces/specifiques.html