Je me suis toujours sentie à part mais mon harcèlement a commencé lorsque j’ai sauté une année et que la prof m’a présentée comme la petite surdouée qui s’ennuyait en cours, cela peut paraître anodin mais cela a causé beaucoup de dégâts. Jusqu’à mes 13 ans j’ai vécu un enfer, les harceleurs changeaient. Mais cela ne s’arrêtait jamais. Parfois c’était uniquement du rejet et des moqueries mais la différence entre exclusion et moqueries face au harcèlement est assez moindre au niveau des séquelles. Je me sentais seule, incomprise, rejetée, incroyablement fragile mais surtout faible, très faible. Puis j’ai rencontré quelqu’un qui l’était encore plus. 

Cette fille était la seule depuis le début à ne pas me rabaisser, à essayer de m’intégrer, sans qu’on devienne amies pour autant. Puis vers mes 13 ans, nous nous sommes rapprochées et j’ai découvert en elle une fragilité immense, une fragilité à préserver. Avec le temps, je remarquais qu’elle m’aimait beaucoup, elle m’admirait. J’avais l’impression qu’elle souhaitait devenir moi, qu’elle m’imitait dans mes moindres faits et gestes et était trop gentille, trop conciliante, trop parfaite. Ça a commencé à m’agacer, puis c’était devenu insupportable mais mon irritabilité était trop forte pour que je puisse lui en parler calmement alors je le lui ai fait comprendre. Rien n’était foncièrement méchant mais les conséquences de mes actes ont été considérables. Je ne saurais donner d’exemple de ce que je lui disais mais je lui faisais comprendre de manière méchante de me lâcher et ce, sans relâche. Puis, sa sensibilité l’a fait devenir cible du reste de la classe, ce qui ne m’a de loin pas fait arrêter, ces gens m’ayant toujours rejeté, me mettaient enfin de leur côté. Cette situation dura des semaines, puis un soir mon père a reçu un téléphone de sa mère lui priant de me demander d’arrêter ce que je faisais subir à sa fille, qu’elle n’en pouvait plus. 

Ça a été comme une énorme baffe. Je me suis pris un retour à la réalité brutal et me suis rendu compte de la laideur de mes actes.

Je ne m’étais jamais vraiment sentie importante, considérée, aimée. Et ça a été le cas mais je ne savais comment réagir à ça, cela me terrifiait au plus haut point. Cette fille voyait en moi une chose qu’elle admirait et elle m’aimait, une chose que je ne voyais pas, et je me suis servie de ça pour la blesser. 

Lorsqu’on se sent toute sa vie la plus faible et qu’on rencontre plus faible que nous, notre côté obscur ne peut s’empêcher d’en profiter, de voir ce que ça fait que d’avoir le pouvoir. 

Je ne suis évidemment pas aller plus loin avec cette fille et j’ai tout fait pour que les autres cessent leurs atrocités et évidemment ils m’ont automatiquement exclue. 

Je me suis rendu compte à quel point on peut être prêt à tout pour être accepté, pour se sentir important.

Cette fille m’a marquée à vie, je m’en voudrais toujours et les mots sont bien trop faibles pour exprimer comme je regrette de ne pas l’avoir aidé à préserver cette fragilité et à en faire une force, au lieu de cela, je l’ai amené à penser que c’était un vice.

Je pense que les harceleurs ne sont pas juste des mauvaises personnes. Ayant été harcelée c’est dur à dire mais je crois profondément qu’ils ont tout autant besoin d’aide que les victimes car ils sont finalement tout deux victimes de quelque chose. 

J’espère que tu te le pardonneras un jour.