Quel âge as-tu Clara, et depuis combien de temps enseignes-tu ? Quel âge ont tes élèves ?

J’ai 24 ans, je suis enseignante dans le canton de Vaud, et en septembre 2022, ce sera ma troisième rentrée. J’ai pour la première fois une classe dont je suis seule responsable, pour des enfants de 1-2P, donc de 4 à 6 ans.

Pourquoi as-tu décidé de devenir enseignante ? Et spécialement pour cette tranche d’âge ?

Depuis petite, je suis attirée par le métier de maîtresse d’école. Je trouve cette tranche d’âge fascinante, car il s’agit des premières années d’école pour les enfants, le moment où ils se détachent un peu de leurs parents. Je veux essayer d’être présente pour eux, les aider à acquérir des connaissances qui se développeront plus tard dans les années primaires d’enseignement, et assister à leur évolution.

Quel est le lien que tu entretiens avec tes élèves et comment fais-tu pour construire une relation de prof à élève ?

Pour moi, le plus important est d’être à l’écoute. Ce sont des enfants très jeunes, ce qui nécessite d’être très présente, et d’avoir aussi une vue individuelle de chacun d’eux. Bien évidemment, ils ne me vouvoient pas, mais je ne suis pas pour autant une « copine », il faut qu’ils comprennent qu’il y a une différence et que je suis là pour les aider à apprendre et à se sentir bien. Évidemment, il y a des moments plus compliqués, comme lorsqu’ils veulent me faire des bisous ou des câlins. Je ne suis pas leur maman, mais c’est parfois difficile pour eux de comprendre cette distance.

As-tu l’impression que les élèves apprécient l’école de manière générale ? Si non, comment fais-tu pour les motiver à travailler ou simplement à être présents ?

J’ai suivi des enfants de 7 à 8 ans avant d’avoir ma classe, et ils appréciaient globalement d’être à l’école. Le plus difficile était surtout de les motiver à apprendre et à effectuer des exercices d’école, plutôt que de jouer constamment. Mais une technique qui fonctionne bien est de mélanger les deux : créer des mondes imaginaires qui font un lien avec l’apprentissage. Par exemple, j’ai organisé une chasse aux mots dans la salle de classe, les enfants devaient trouver des lettres, former le mot correspondant, pour trouver ce qui était caché. Là, ils étaient tous motivés et en plus, c’était un travail de groupe et d’entraide où chacun amenait sa contribution !

J’ai suivi l’enseignement de la HEP, et ils nous expliquaient que les enfants étaient très réceptifs à ce genre d’activités. Ce qui est bien, c’est que j’ai une grande liberté pour inventer des activités et réfléchir comment les articuler au mieux pour que ce soit agréable pour les enfants.

Comment se comportent les enfants entre eux ? As-tu déjà été témoin de situations délicates, comme des moqueries, des insultes, des violences physiques ?

Les deux classes que j’ai suivies avant cette année étaient assez conflictuelles, surtout dû au fait que les enfants sont souvent sans filtre à cet âge. Ils n’hésitent pas à dire ce qu’ils pensent, même si cela peut blesser, par exemple « ton dessin est moche ! ». Mais cela fait aussi partie de mon rôle de leur montrer qu’il y a d’autres manières de communiquer. Pour ma part, je parle beaucoup avec eux et essaie de les aider à trouver des idées pour régler un conflit par eux-mêmes, comme à l’aide de tableaux avec des pictogrammes qui représentent les émotions, qu’ils peuvent faire bouger pour mieux expliquer ce qu’ils ressentent. Le but est d’instaurer un climat sain, mais c’est ça qui prend le plus de temps dans une classe ! Les enfants ont d’abord tendance à se griffer ou se pincer, voire se donner des coups de pieds avant de parler pour régler une dispute, et j’essaie justement de leur donner des astuces pour changer cela.

Si oui, serais-tu d’accord de partager une histoire vécue de ton point de vue, et comment tu as réagi ? Si non, comment ferais-tu pour gérer cette situation ?

Une situation particulièrement difficile était avec un petit garçon qui voulait embrasser une autre élève de son âge (ils avaient donc 7-8 ans), mais celle-ci ne voulait pas. Suite à son refus, il lui a donné un papier sur lequel était écrit « Je vais te tuer », papier que j’ai réussi à intercepter et que la petite fille n’a pas entièrement compris. Sur le moment, je ne savais pas quoi faire car ces propos étaient vraiment violents et venant d’un enfant de cet âge, il fallait faire la part des choses entre ce qu’il voulait vraiment dire parce qu’il le comprenait, et ce qui restait de l’ordre de l’enfance. Évidemment, j’ai averti sa maman suite de cet épisode, ainsi qu’un enseignant spécialisé pour les interventions de ce type dans les classes.

As-tu reçu une formation par rapport aux moyens dont tu disposes pour gérer des conflits, des violences, ou des situations de harcèlement en milieu scolaire ?

Dans le cadre de la HEP, nous avons reçu une formation sous forme de séminaires qui nous expliquaient ce qu’étaient le harcèlement et comment essayer de le gérer, mais cela n’a pas été très approfondi (environ 4 heures de cours communs). Après, dans la région où je travaille, nous avons eu une formation appelée « Vers le pacifique » qui divise la résolution des conflits entre les élèves en quatre parties :

  1. Discuter de comment je me sens
  2. Discuter de comment l’autre se sent
  3. Examiner ce qu’il s’est passé pour conduire au conflit
  4. La solution que nous pouvons trouver pour le résoudre

C’est dans ce genre de cas que j’utilise les pictogrammes. Au début, je servais toujours d’intermédiaire mais à présent, les élèves demandent d’eux-mêmes à l’utiliser et certains se débrouillent bien pour trouver des solutions seuls !

Après, il y a la MPP (méthode de préoccupation partagée) [1], qui est une sorte de médiation pour résoudre les conflits. Je trouve que cette méthode est plutôt rassurante pour les enseignants, parce qu’on sait qu’il est possible de demander une aide extérieure dans le cas d’un problème où nous serions un peu dépassés.

Ce que je retiens le plus de la HEP, c’est qu’il faut surtout éviter d’avoir des « chouchous », parce que cela conduit souvent à des inégalités entre les élèves. Bien sûr, il y a parfois un courant qui passe très bien avec des élèves mais pour moi, c’est important de ne faire aucune différence, parce que tous les enfants sous ma responsabilité sont égaux et ont droits aux mêmes chances !

Et pour finir, quel est ton meilleur souvenir en tant qu’enseignante ?

Je dirai qu’il s’agit d’une de ces chasses aux mots dans la classe. J’ai senti un véritable intérêt et beaucoup d’amusement de la part des élèves, lorsqu’ils trouvaient une lettre, lorsqu’ils comprenaient comment les assembler pour former le mot caché. De manière générale, je trouve ça vraiment formidable d’assister aux progrès des enfants, de savoir qu’il a été possible de leur amener quelque chose et qu’ils ont compris ce que j’expliquais, même si parfois cela demande du temps, et beaucoup d’énergie ! Mais j’aime beaucoup ce travail, et je suis continuellement en recherche de nouvelles activités, de bricolages, de jeux, que je trouve sur Instagram, Pinterest, ou en discutant avec d’autres collèges.


[1] https://www.eduvd.ch/rolle/wp-content/uploads/sites/37/2013/05/La-Me%CC%81thode-de-la-Pre%CC%81occupation-partage%CC%81e.pdf.pdf