Cet article est la première partie d’une série sur les troubles alimentaires. Chacun propose une définition, quelques chiffres, les situations où un trouble alimentaire peut apparaître, dans le cadre de harcèlement scolaire, les conséquences pour la personne et l’entourage, ainsi que des personnes ou centres à contacter. 

Nous allons tout d’abord nous intéresser à l’un des troubles alimentaires les plus connus, car le plus facilement repérable : l’anorexie mentale. 

L’anorexie mentale est un trouble qui se caractérise par : 

  • Une restriction des apports alimentaires, entrainant généralement une perte de poids importante 
  • Une peur de la prise de poids
  • Une altération de la perspective de son corps, conduisant à une faible estime de soi
  • Des comportements qui tentent de contrôler ce qui a attrait à la nourriture ou à la prise de poids 

Dans les cas extrêmes, l’anorexie mentale peut conduire à la mort. Elle touche entre 2-3% de la population, dans 9 cas sur 10 des femmes. Elle peut apparaître au début de l’adolescence, ce qui est particulièrement important dans les cas de harcèlement. Les troubles alimentaires peuvent être des conséquences directes du harcèlement, ou un moyen d’y échapper, et l’anorexie est souvent un moyen de garder un domaine sous contrôle, alors que tout semble hors d’emprise. 

Deux situations seraient à différencier : 

  1. L’anorexie qui découle directement du harcèlement, donc des remarques ciblées sur l’apparence physique et une volonté de changer cela 
  2. L’anorexie comme conséquence indirecte du harcèlement, donc un échappatoire à une situation complexe, qui peut apparaître en même temps ou suite à du harcèlement

Il est relativement difficile de traiter ce trouble, car la personne est dans le déni, d’autant plus que dans une situation de harcèlement, elle est vue comme une solution, une preuve qu’il est possible de « réussir » à garder un contrôle sur un point précis, l’apparence physique. 

Au début, l’anorexie mentale donne une sensation de puissance extrême, car la perte de poids est souvent rapide, la concentration semble améliorée, et il n’y a pas encore d’effets secondaires trop visibles. Ce plaisir à maigrir peut s’expliquer par la combinaison entre la ghréline, l’hormone qui pousse à s’alimenter, et la dopamine, qui stimule l’effet de récompense dans le cerveau. Cela fait que l’anorexie mentale fonctionne de la même façon qu’une addiction. 

Face à une situation d’anorexie mentale, les proches se sentent souvent démunis, car ils ne comprennent pas le refuge que ce trouble alimentaire représente. Cette incompréhension creuse souvent le fossé entre eux et la personne anorexique, créant un isolement encore plus important. 

Les conséquences pour une personne touchée par de l’anorexie mentale sont donc l’isolement social progressif, par peur de prendre part à des situations confrontantes, avec la présence de nourriture, ou de remarques sur le physique. Au niveau mental, ce trouble prend de plus en plus de place, jusqu’à ne laisser aucune ouverture pour d’autres sujets que l’alimentation ou le moyen de perdre encore du poids. Mais la dénutrition amène aussi une diminution des compétences logiques, de la mémoire, de la concentration, ainsi qu’une anxiété profonde. Au niveau physique, la perte de poids entraine un ralentissement du rythme cardiaque, une sensation constante de froid, un affaiblissement général du corps, qui fonctionne comme dans un flou, des malaises et évanouissements, une perte de cheveux, de dents, d’ongles, une aménorrhée (arrêt du cycle menstruel), des problèmes digestifs, et à long terme, de l’ostéoporose (affaiblissement des os), ainsi que de nombreuses conséquences découlant de ces précédents symptômes, parfois irréversibles. 

Les signes qui doivent alerter en cas de soupçon d’une anorexie mentale sont une perte de poids rapide, des malaises ou pertes de connaissances, un surinvestissement dans des activités ou du travail, avec une volonté de perfectionnisme, un repli sur soi et une perte de confiance, une irritabilité extrême, une augmentation ou une volonté de faire du sport à l’extrême. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive, car les signes sont différents selon le contexte et la personne. 

L’anorexie mentale est un trouble qui prend du temps pour être repéré, analysé, traité. Il ne s’agit pas d’un trouble dont il est possible de sortir en un claquement de doigts, et les rechutes sont quasi-inévitables, à la manière d’une addiction. C’est pour cette raison qu’il est crucial de le prendre en charge le plus rapidement possible. Au niveau de l’école, l’infirmière ou le psychologue scolaire peuvent être des ressources compétentes, pour poser le mot exact sur la situation. Les parents peuvent prendre contacts avec eux, si l’enfant ou l’adolescent passe beaucoup de temps dans l’environnement de l’école. Une hospitalisation peut parfois être nécessaire dans les cas les plus graves d’anorexie, mais ce n’est pas la seule solution.  Il existe en effet différents organismes en Suisse, spécialisés dans la prise en charge des troubles alimentaires. 

https://www.chuv.ch/fr/fiches-psy/abc-centre-vaudois-anorexie-boulimie

https://www.ceptade.ch/

Le médecin de famille, le pédiatre, un psychologue sont les personnes compétentes à contacter pour prendre en charge l’anorexie mentale. Malgré une situation qui peut sembler bloquée, il est possible de sortir de l’anorexie (on ne peut pas parler de guérison, comme ce n’est pas une maladie, mais bien un trouble). Un tabou continue de planer sur les troubles alimentaires, mais en parler fait extrêmement de bien pour les personnes atteintes d’anorexie, pour prendre conscience de la situation, pour poser des mots concrets sur un sentiment abstrait. 

https://www.revmed.ch/revue-medicale-suisse/2011/revue-medicale-suisse-288/anorexie-evaluation-et-prise-en-charge-somatiques

https://www.cairn.info/revue-psychotropes-2009-3-page-93.htm

https://edu.ge.ch/site/capintegration/les-troubles/troubles-comportement-alimentaire/

Deux romans sur l’anorexie également :

Jours sans faim – Delphine de Vigan
Je suis une fille de l’hiver – Laurie Halse Anderson